L'une des valeurs fondamentales de Hooké est de promouvoir la conservation de la nature et de la faune. C'est dans cette optique que nous avons choisi de nous associer à Nature Québec, un organisme à but non lucratif, afin de mettre en lumière une préoccupation actuelle : la protection du caribou. Un mystère persiste non seulement dans la population générale, mais également parmi les passionnés de nature et de plein air : qu'est-ce qu'un caribou ? De nombreuses personnes continuent de confondre les caribous avec les orignaux et les cerfs de Virginie. Malheureusement, peu de gens sont conscients que le caribou est une espèce menacée.
Afin de sensibiliser davantage, nous avons sollicité l'expertise des bénévoles et de l’équipe de Nature Québec pour répondre à nos questions et approfondir nos connaissances sur cet animal, ainsi que sur les défis de conservation auxquels il est confronté.
1- Quelle est la différence entre les caribous, les cerfs et les orignaux ?
Tous sont des cervidés, mais ils ont des traits qui les distinguent assez clairement : leur taille, la forme de leurs bois et leur habitat. L’orignal est le plus grand et le plus gros des cervidés au Québec, pouvant mesurer 1,92 mètre à l’épaule et peser jusqu’à 600 kg. On le retrouve en grand nombre dans les boisés et dans la forêt boréale québécoise, en faisant un animal de prédilection pour la chasse.
À l’opposé, le cerf de Virginie est le plus petit avec une taille d’environ 1 mètre à l’épaule et un poids de 170 kg. Ses bois forment des lignes minces et pointues. Il est le cervidé le plus commun en Amérique du Nord et connaît même une surpopulation à certains endroits en raison de la fragmentation des habitats qui a fait disparaître ses prédateurs.
Entre l’orignal et le cerf de Virginie, le caribou, lui, a une hauteur d’environ 1,40 mètre à l’épaule et un poids de 200 kg. Le caribou est la seule espèce de cervidés dont les bois sont portés tant par les femelles que les mâles. On les reconnaît à leur forte courbure vers le haut.
2- Quels types de caribous retrouve-t-on au Québec ?
On trouve une seule espèce de caribou au Québec : le caribou des bois (Rangifer tarandus). Par contre, les populations de caribous des bois ont des caractéristiques distinctes héritées de l’adaptation à leur milieu (on parlera d’écotypes). On retrouve donc trois écotypes au Québec : le caribou forestier, le caribou montagnard (c’est le cas de la population qu’on retrouve en Gaspésie) et le caribou migrateur (aussi appelé caribou toundrique).
<3- Où vivent les caribous et combien en reste-t-il ?
Les trois écotypes de caribous sont répartis en plusieurs populations sur le territoire. Plusieurs de celles-ci connaissent malheureusement des déclins importants.
Le caribou forestier vit essentiellement dans la forêt boréale, entre le 49e et le 55e parallèle. On le retrouve notamment dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean et sur la Côte-Nord. Deux populations se retrouvent néanmoins plus au sud (Charlevoix et Val-d’Or). On estime le nombre de caribous forestiers entre 5000 à 10 000 individus sur une période allant de 2005 à 2016. Ceci dit, certaines populations sont près du seuil de l’extinction (Val-d’Or ~ 7 individus ; Charlevoix ~ 16 individus ; Pipmuacan ~ 180 individus).
Plutôt présents dans les hautes altitudes, les caribous montagnards peuvent être observés en Gaspésie, sur les hauts plateaux des monts Chic-Chocs et des monts McGerrigle, et au nord, à la limite du Labrador (monts Torngat). Si la population des monts Torngat est difficile à estimer en raison de son isolement (on parle d’environ 1000 individus en 2014, en recul net depuis les années 1980), la situation en Gaspésie est catastrophique. En effet, il ne resterait plus qu’une trentaine de caribous montagnards de la Gaspésie, un déclin de près de 80 % de cette population en 15 ans!
Finalement, le caribou migrateur fréquente la toundra arctique, la taïga subarctique et la forêt boréale. Étant donné ses déplacements, son aire de répartition est assez vaste. Au Québec, on retrouve deux populations importantes : le troupeau de la rivière George et celui de la rivière aux Feuilles. Dans les dernières années, ces deux troupeaux ont montré de très inquiétants déclins (-99 % pour celui de la rivière George entre 1993 et 2022 ; -70 % pour celui de la rivière aux Feuilles entre 2001 et 2022).
4- Les caribous sont-ils protégés ?
Partiellement et à différents degrés. Le caribou forestier est protégé en tant qu’espèce menacée au Canada par la Loi sur les espèces en péril (LEP). Au Québec, il est protégé à titre d’espèce vulnérable en vertu de la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables (LEMV).
Le caribou montagnard de la Gaspésie jouit aussi d’une double protection des lois canadienne et québécoise et sa désignation y est même un cran plus précaire : « espèce menacée » au Québec en vertu de la LEMV et « en voie de disparition » au Canada en vertu de la LEP.
Malheureusement pour le caribou migrateur, il ne bénéficie toujours pas de protection légale, malgré le déclin de ses populations. Toutefois, le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSÉPAC) recommande depuis 2017 au gouvernement du Canada qu’il soit classé « en voie de disparition ». À suivre!
5) La chasse est-elle responsable du déclin du caribou ?
Les récents actes de braconnage sur le cervidé (dont un sur la très petite population de caribous de la Gaspésie) peuvent laisser croire que la chasse est la principale cause de sa disparition. Or, ce n’est pas le cas.
Il faut savoir que la chasse au caribou montagnard de la Gaspésie et au caribou forestier est strictement interdite au Québec et est punie de fortes amendes. Il en va de même pour la chasse au caribou migrateur.
Par ailleurs, certains types de chasses traditionnelles sont permises pour les communautés autochtones, en respect de leurs droits ancestraux, mais plusieurs de ces communautés ont cessé la récolte de caribous à des fins alimentaires, rituelles ou sociales en raison du déclin des troupeaux.
La chasse n’est donc pas responsable du déclin du caribou, même si des actes de braconnages ponctuels sont parfois commis, ce qui fragilise encore plus les populations au seuil de l’extinction.
6) Alors, pourquoi les caribous déclinent-ils ?
Plusieurs facteurs historiques expliquent le déclin des populations de caribous au Québec, mais la majorité est liée aux perturbations de leur habitat par les activités humaines.
Par exemple, les activités forestières intensives privent les caribous forestiers et montagnards des forêts matures dont ils dépendent, notamment pour s’alimenter en lichen arboricole. Également, la foresterie et les activités minières modifient l’habitat et créent des chemins forestiers qui favorisent les prédateurs du caribou comme le loup, le coyote et l’ours.
Finalement, le caribou est craintif : il n’apprécie pas les dérangements liés aux activités industrielles et au récréotourisme qui vont le pousser à se déplacer et par le fait même, le rendre plus vulnérable à la prédation.
7) Quel est le lien entre les communautés autochtones et le caribou ?
La présence du caribou sur le territoire est millénaire (plusieurs millénaires en fait) tout comme les Premières Nations. D'ailleurs les Innus et plusieurs autres nations autochtones au Québec sont intimement liés à l'espèce. Atiku, comme on le nomme chez les Innus, est au cœur de leur culture. Leurs ancêtres étaient nomades parce qu’ils suivaient le caribou. C’est grâce à lui qu'ils ont survécu sur le territoire durant des millénaires. Leur dépendance à l’espèce se transcende dans leur culture, leur identité, ainsi que leur univers social et spirituel. Le déclin du caribou engendre des pertes culturelles inestimables au niveau de leur langue, leur savoir et leur mode de vie. Ce qui a des répercussions considérables sur le bien-être et la vitalité de leurs communautés.
Aujourd'hui les communautés autochtones se mobilisent pour protéger l'espèce, tout comme celle-ci a veillé sur eux pendant des millénaires.
8) Que puis-je faire ?
Maintenant que vous le connaissez mieux, vous voulez faire votre part pour le caribou au Québec ? La première chose à faire individuellement est de rester à l’écart des caribous lors de vos activités de plein air. Oui, il est difficile de ne pas succomber à leur charme, mais rappelez-vous que les caribous sont craintifs et que les amener à se déplacer les rend plus vulnérables aux prédateurs. Ensuite, vous pouvez soutenir un organisme comme Nature Québec qui milite activement pour leur protection et leur rétablissement. Allez ici pour plus d’information et pour connaître les moyens d’agir pour le caribou.
Durant tout le mois de février, vous pouvez également faire un don sur notre site web. En effet, vous aurez le choix entre un rabais supplémentaire ou de faire un don qui ira directement à Nature Québec et la campagne Caribou je t’aime.