Dix-huit jours de plein air expérientiel

Eighteen days of experiential outdoors

"Le 18 jours, c'est de donner tout ce que tu es, pour l'expérience des autres. " - Étienne Booth

Plongez au cœur d'une aventure humaine exceptionnelle. Découvrez le projet documentaire « Dix-huit jours de plein air expérientiel » réalisé en collaboration avec le Cégep de l'Outaouais. Dans cet article, notre ambassadrice, Virginie Gargano, professeure et chercheuse, partage avec nous les raisons qui font de ce cours une expérience transformative, et nous dévoile les impacts durables observés chez les participants et participantes de ce cours unique au Québec.


Virginie Gargano

Virginie Gargano est professeure et chercheure à l’École de travail social et de criminologie de l’Université Laval. Spécialisée dans les interventions en contexte de nature et d’aventure, ses travaux de recherche portent sur le potentiel et les limites du plein air sur la santé globale. Les travaux de recherche de Virginie Gargano sont inspirés de sa pratique professionnelle. Titulaire d’un baccalauréat en plein air et tourisme d’aventure, d’une maîtrise et d’un doctorat en travail social, depuis une vingtaine d’années, elle allie sa pratique professionnelle comme facilitatrice et leader d’expédition à l’enseignement du plein air en milieu collégial et universitaire. L’une de ses inspirations est d’ailleurs le cours « Plein air expérientiel », qu’elle enseigne au Cégep de l’Outaouais depuis maintenant une vingtaine d’années.

C'est à l'automne 2023, lors d'un projet vidéo en partenariat avec l'Université Laval, que nous avons eu la chance de faire la connaissance de Virginie, une figure incontournable du plein air québécois. Impressionnés par son parcours et sa passion, nous l'avons rapidement sollicitée pour participer à notre série originale Hooké, présentée par La Lancée, « Connectées par le plein air ». Cette série célèbre la force, la résilience et la passion des femmes qui occupent des rôles de leaders dans le monde du plein air. 


Toujours aussi admiratifs de son travail, nous n'avons pas hésité à répondre présent lorsque Virginie nous a proposé de collaborer au projet documentaire « 18 jours ». Ce projet ambitieux, né en 2013 d’une idée originale d’Étienne Booth, assistant du cours, vise à documenter les 50 ans d'histoire de cette expédition emblématique. Onze ans plus tard, c'est Sébastien Corriveau, réalisateur chez Hooké, qui a repris le flambeau et qui s’est chargé de transformer et combiner ces 100 heures d'archives aux nouvelles images en un film poignant. 


Nous autres, on joue dehors! 

À la fin des années soixante, la naissance des Cégeps du Québec a fait naître une tout autre vision de l’éducation. Au fil des ans, ce lieu d’éducation est devenu un lieu d’incarnation de valeurs telles que le respect de soi, le respect des autres et de l’environnement, l’engagement personnel envers les études et le milieu de vie, la curiosité intellectuelle, la créativité, l’autonomie, la rigueur et la persévérance. Par ailleurs, ces valeurs sont difficiles à actualiser et à rendre tangibles dans un milieu d’enseignement traditionnel. En 1976, c’est dans ce contexte qu’est né le cours collégial « Plein air expérientiel » au Cégep de l’Outaouais. Mis sur pied par deux éducateurs physiques, Messieurs Paul Calvé et Gaston Lemire, ce cours complémentaire est né du désir de faire vivre des expériences de plein air sur de longues périodes d’immersion en nature. De plus, en inscrivant cette démarche sous la lunette des cours complémentaires, les possibilités de se servir du plein air pour découvrir la nature sous ses différentes formes apparaissaient comme étant la démarche la plus complète. C’est pourquoi, au-delà de la réalisation des activités techniques d’aventure, ce cours s’inscrit une démarche d’apprentissage se centrant sur les sciences naturelles (ex. géographie, géomorphologie, faune, flore, météorologie, astronomie).  


Aujourd’hui, il s’agit d’un cours qui se déroule sur une période de 18 jours en milieu naturel. Après 48 ans d’existence, plus de 2 000 personnes ont participé à cette expérience hors du commun. Unique au Québec, le cours « Plein air expérientiel » aussi connu sous le nom du « 18 jours » se déroule sous une formule immersive qui permet aux étudiants et aux étudiantes de se déplacer dans la région de l’Outaouais et par le fait même, d’explorer le milieu naturel par l’entremise de différentes activités techniques comme le canot, le kayak de mer et l’escalade, pour n’en nommer que quelques-unes,  sur une période de 18 jours. 

Former les adultes de demain 

Un texte de Virginie Gargano 


Si on dit que ça prend un village pour élever un enfant, je dirais que ça prend des cours comme le 18 jours pour construire une société.

Ce que je crois fondamentalement, c’est que des expériences comme le 18 jours forgent le caractère, nous mettent en contact avec soi, avec l’autre, avec le calme de la nature et le stress positif que l’aventure induit.

C’est ce qui fait qu’il y a une quinzaine d’années, dans le cadre de mon processus de maîtrise, j’ai décidé d’étudier les retombées personnelles et interpersonnelles des expéditions de plusieurs jours. De fil en aiguille, mon processus de recherche m’a mené à étudier les effets du 18 jours. Les retombées qui ont émergé ont fait référence au sentiment d’efficacité personnelle, au sentiment de confiance et à la création de relations d’amitié. Dans le froid, la pluie et le vent, les participants évoquent l’importance de vivre des défis pour apprendre à mieux se connaître, expérimenter leurs propres limites et se développer (Gargano, 2010). Sans que je ne le sache à l’époque, cette étude empirique fut à la base de mon processus doctoral : si les étudiants retirent des apprentissages sur les plans personnel et interpersonnel à ce genre d’expérience en plein air, que se passe-t-il pour qu’ils se produisent ?

Dans ma thèse de doctorat, je me suis donc intéressée à ce qui se passait dans le groupe, qui est ressorti comme l’une des pierres angulaires du 18 jours : en contact avec l’autre, les étudiants apprennent à mieux se connaître, à socialiser et à se soutenir mutuellement. En contact avec l’autre, ils apprennent à s’accepter dans leurs différences et ils expérimentent l’altruisme (Gargano, 2018). 

Mais qu’est-ce que l’altruisme ? L’altruisme constitue l’action de donner et de recevoir (Yalom et Leszcz, 2005). Ce vestige intrinsèque à l’humain, qui nous habite naturellement, nous a permis de survivre dans un environnement hostile, et de traverser les époques. 


En communauté ; nous étions plus forts. 

En donnant ; nous nous sentions valorisés. 

En recevant ; nous nous sentions importants. 


Dans un contexte où nous sommes mis au défi, où nous devons nous entraider et traverser des épreuves physiques ; dans un environnement dans lequel nous sommes réellement interdépendants, l’altruisme prend tout son sens. 


Au 18 jours, ce sens passe entre autres par la nature des activités ; il passe par le vélo à réparer, les canots à portager, les sacs à transporter et les tentes à ériger. Mais, le sens de cette expérience s’ancre aussi dans la relation de confiance entre les enseignants et les étudiants. Il passe aussi par le temps passé sous la pluie et le froid, à rire et à moins rire, il passe par le temps à dormir par terre, sans les bruits de la ville, à calmer les stimuli auxquels notre vie en ville nous a habitués. 


Paradoxalement, cette expérience difficile à certains moments, favorise des retombées positives sur le plan humain. Ce qui la rend particulière, c’est l’interaction entre ces ancrages empreints de sens, qui la rende unique, difficile à disséquer afin d’en saisir toutes ses subtilités. En fait, ce qui est de nature holistique se décrit peu. 


Or, ce que l’on peut retenir, ce qui est transférable et ce qui, selon moi, émerge de ces travaux de recherche, c’est l’impact d’une telle expérience sur le développement d’une société. 


Contrairement à ce qu’on pourrait s’imaginer, dans le silence de la nuit, la solitude de la forêt, à coup de pagaie, on forge une société. Et, naturellement, nous redevenons un peuple. 


Références. 


Gargano, V. (2010). Les retombées du cours collégial "Plein air expérientiel" aux plans personnels et interpersonnels [Mémoire, Université du Québec à Chicoutimi]. Chicoutimi, QC.
Gargano, V. (2018). L’intervention en contexte de nature et d’aventure : Une analyse sous l’angle des facteurs d’aide Université Laval]. Québec, QC. 
Yalom, I. D., & Leszcz, M. (2005). The theory and practice of group psychotherapy (5 ed.). Basic Books.

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